Sofia se réveilla aux appels répétés de son patron. Il était six heures, autrement, le temps qu'elle descende travailler. La russe dormait jusqu'à très tard, ses nuits étaient toujours très... éveillées ou vraiment courtes. Elle frotta ses joues pour se réveiller, et pour les faire légèrement rougir, semblant de maquillage qu'elle n'avait pas le luxe de pouvoir s'acheter. Elle ouvrit sa penderie, regarda les trois robes qui la garnissaient à peine, ferma les yeux et en prit une au hasard. De toutes façons, aucune d'entre elle ne pourrait rivaliser avec les belles robes des dames, alors, elle n'allait pas se leurrer. Elle l'enfila par-dessus un corset serré, des portes-jarretelles et des bas, ainsi qu'un jupon. Elle coiffa ses cheveux blonds et infini, ou presque, en une longue tresse descendant sur son épaule droite.
Elle caressa la tresse quelques secondes, réajusta le nœud de ruban qui la tenait, déplissa la robe, qui, si elle ne montrait pas ses jambes, lui faisait un décolté assez magnifique. Elle descendit finalement dans la salle de la Taverne, encore peu remplie par deux ou trois passants assoiffés. Elle soupira, un bon coup pour toute une soirée, et alla vers son patron avec un grand sourire. Le Tavernier le lui rendit, et lui demanda d'aller servir les gens qui arrivait.
Toujours avec un grand sourire sur les lèvres, elle s'avança vers les premiers clients de la soirée, qui comme toutes les autres s'annonçait longue. Elle arriva près de la première table où deux jeunes gens discutaient.
"Excusez-moi, voulez-vous boire quelque chose ?
- Avec plaisir, ma jolie, deux bières ?, demanda le premier à son compagnon.
-Deux bières !"
Sofia sentit une main farfouiller dans ses jupons et, d'un geste doux et sec à la fois, repoussa la main indiscrète. Le jeune homme se renfrogna, grommela d'une voix inaudible; Dans un sourire coquin, elle répondit, d'une joie feinte :
"Ça aussi c'est payant ! Je vous apporte vos bières !"
Et elle quitta les deux jeunes gens, passablement énervés. La soirée allait être vraiiiiiment longue. Elle servit les deux bières, leur rapporta et servit quelques autres clients sans, du moins feignant, porter attention aux avances de la plupart des clients, toujours indiscrètes, qui n'avait pas le sou mais qui cherchait quand même à pouvoir la tripoter un peu. Habituelle mais tellement affligeant.